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Crispr-Cas9 : les ciseaux moléculaires utilisés pour la première fois chez l’Homme pour soigner une cécité

En mars dernier aux Etats-Unis, des médecins ont administré, pour la première fois, un traitement expérimental basé sur les ciseaux moléculaires CIRSPR, directement dans l’œil d’un patient atteint de cécité héréditaire dans le but de modifier un gène et permettre au patient de recouvrir la vue. Bien que les résultats ne soient pas encore connus, cet essai inédit de thérapie génique pourrait ouvrir la voie à de nombreux autres essais administrant CRISPR in vivo.

Le traitement de ce premier patient fait partie d’un essai clinique historique de phase 1/2 nommé BRILLANCE et mené sur 18 patients par le Casey Eye institute de l’université Oregon Health & Science de Portland, avec l’aide de la société américaine Editas Medicine de Cambridge, et la société pharmaceutique irlandaise, Allergan. Cet essai vise à évaluer la sécurité, la tolérabilité et l’efficacité du traitement AGN-151587, basé de la technique d’édition génomique CRISPR–Cas9, dans l’amaurose congénitale de Leber 10 (LCA10). La forme la plus courante de cette maladie est causée par des mutations dans le gène CEP290 des cellules photoréceptrices de la rétine, qui empêche la conversion de la lumière en signaux interprétables pour le cerveau, entraînant ainsi la perte de photosensibilité des cellules rétiniennes. Cette maladie génétique se diagnostique très tôt chez l’enfant et a pour conséquence, la perte de la vision. Actuellement, il n’existe aucun traitement disponible pour traiter cette maladie.

Depuis la découverte en 2012, Crispr-Cas9 s’est progressivement imposé comme une technique d’édition génomique simple et peu onéreuse. Agissant comme de véritables ciseaux, le système CIRSPR permet de découper de manière précise l’ADN et d’y insérer un nouveau fragment pour supprimer la mutation directement dans les cellules, d’où son nom de « ciseaux moléculaires ». Son utilisation n’est pas une première pour soigner des maladies, puisque cette technique a déjà été utilisée pour traiter quelques patients atteints de cancer, ou de drépanocytose (voir article Le premier traitement CRISPR en essai clinique montre des résultats prometteurs pour deux patients atteints d’hémoglobinopathies sévères), mais à ceci près, que les cellules du patient ont préalablement été prélevées, pour être ensuite modifiées in vitro en laboratoire, puis réinjectées au patient. Ce qui est sans précédent dans cet essai, est bien l’injection du traitement CRISPR directement dans l’œil du patient, près des cellules photoréceptrices. Avec cette technique, le but est de restaurer durablement les fonctions des photorécepteurs présents dans la rétine.

Comment l’opération s’est-elle déroulée ? Concrètement, l’opération n’aura duré qu’une heure pendant laquelle le patient a été placé sous anesthésie générale et les médecins ont injectés quelques gouttes du produit, contenant les composants du système d’édition du génome, sous la rétine du patient attient de LCA10. Le patient ne devrait subir qu’une seule injection puisque les modifications réalisées par CRISPR sont supposées être permanentes. Les médecins espèrent ainsi pouvoir rétablir la production de la protéine CEPS290 cruciale pour la transmission de la lumière en signaux interprétables pour le cerveau. Les résultats de cette opération ne sont pas encore connus, puisqu’il faudra quelques mois avant d’observer les résultats de cette étude.

Néanmoins, l’utilisation de techniques d’édition génomique ne semble pas sans danger. En effet, la machinerie de découpe introduits dans l’œil du patient pourrait causer des effets dit hors-cibles imprévus et causer des effets secondaires indésirables. Ce risque a été estimé très faible par les médecins-chercheurs de l’étude puisque l’œil est isolé du reste du corps.

Comme le souligne Mark Pennesi, professeur associé en ophtalmologie de l’université d’Oregon et principal investigateur de l’étude, cette possibilité d’édition du génome directement chez l’Homme reste avant tout « une étape importante vers la mise en place de traitements nouveaux et prometteurs pour les patients atteints de maladies causées par des mutations génétiques ».  

Aurélie Laubier, PhD, chef de projet du DIM Thérapie Génique

Sources